Autrui peut-il m'aider à me connaître ?
Introduction:
La connaissance de soi par soi semble vouée à l'échec. Toutes les difficultés qu'elle présente se ramènent à celle-ci: dans cette entreprise, le sujet et l'objet ne font qu'un; celui qui tente de se connaître est à la fois juge et partie. Par conséquent, le caractère objectif d'une telle tentative peut être à bon droit mis en doute. Mais pour pallier cet inconvénient, on pourra avoir l'idée de recourir à l'aide d'un tiers extérieur. Je suis mal placé pour prétendre me connaître. Autrui, peut-on espérer, pourra adopter un point de vue objectif sur moi-même et ainsi me faire connaître qui je suis. Cependant, il s'agit d'une idée paradoxale. S'il est déjà si difficile de se connaître soi-même, comment autrui pourrait-il m'aider?
I. L'étranger
Autrui, c'est l'autre, "celui qui n'est pas moi" (Sartre, l'Etre et le néant, III). Certes, il m'est semblable, puisqu'il est cependant un autre homme, un homme comme moi. Mais c'est précisément ce qui me rapproche d'autrui qui, paradoxalement, m'éloigne de lui. En effet, si nous sommes semblables, c'est que nous sommes tous deux doués de conscience. Mais justement cela nous sépare de façon irrémédiable. En effet, le domaine de la conscience est celui de l'intériorité, une intériorité inaccessible et impénétrable pour l'autre. Ma subjectivité est comme une forteresse où je peux me réfugier et trouver la paix si l'on m'agresse. Personne ne peut venir y troubler la paix que je décide d'y faire régner. Pressé de questions, si je décide de garder le silence, personne ne pourra violer cette intimité. L'intériorité de la conscience est un refuge. On peut bien m'obliger à faire ce que je réprouve, on ne peut pas contraindre mes pensées. L'esclave peut ainsi rêver qu'il est libre.
Mais "mon jardin secret est une prison" (Gaston Berger, Du prochain au semblable: esquisse d'une phénoménologie de la solitude). En effet, ma subjectivité m'isole de façon irrémédiable. Elle