Baudelaire sed non satiata
Poème de Charles BAUDELAIRE
Commentaire
‘’Sed non satiata’’ fait partie du cycle de Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire qui l’appelait «la Vénus noire», car elle était une mulâtresse. Le poète Thédore de Banville l’évoqua dans ses souvenirs : «C’était une fille de couleur, d’une très haute taille, qui portait bien sa brune tête ingénue et superbe, couronnée d’une chevelure violemment crespelée, et dont la démarche de reine, pleine d’une grâce farouche, avait quelque chose à la fois de divin et de bestial.»
Charles Cousin, un ami de Baudelaire, précisa (dans ‘’Souvenirs-Correspondances’’) que ce poème fut composé aux environs de 1842-1843, à une époque où il lisait les poètes baroques auxquels était familier le thème de la «belle Maure», qu’il aurait voulu traiter à son tour, mais à la manière moderne.
Le titre est tiré de Juvénal qui, parlant de Messaline, femme de l’empereur Claude, réputée pour sa tyrannie et pour ses appétits sexuels insatiables, écrivit : «Et lassata viris, sed non satiata recessit» (VI, 130) - «Et elle se retira, fatiguée des hommes, mais non rassasiée». Le choix de ces mots latins était pour Baudelaire un moyen de masquer le côté scabreux et trivial du poème.
Formé de deux quatrains et de deux tercets, le poème est un sonnet, et on remarquera ces habituelles caractéristiques de cette forme fixe : l’opposition entre les quatrains et les tercets, et la chute finale.
Dans le premier quatrain, Baudelaire qualifie d’abord Jeanne Duval de «déité», c’est-à-dire de divinité, de déesse. Il put trouver ce mot dans un poème de Colletet que Gautier avait cité dans ses ‘’Grotesques’’, ou dans ‘’Stello’’ de Vigny, ou dans ‘’Les cariatides’’ de Banville. Si ce registre est religieux, si le poème se présente ainsi comme une prière ou une invocation, le mot «Bizarre» doit alerter car il signifie «qui s'écarte des normes», «qui n'est pas conforme à l'usage commun», «qui est extravagant», ce qui sera confirmé par la