Baudelaire

3244 mots 13 pages
Quelques jours après la parution des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire le 21 juin 1857, le journaliste Gustave Bourdin en fustige le contenu le 5 juillet dans un article du Figaro, avant que des poursuites soient engagées pour « offense à la morale religieuse » et « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Baudelaire sera condamné au versement d’une amende, et son éditeur devra retrancher six poèmes dont le procureur général Ernest Pinard a demandé l’interdiction.
Bourdin écrivait ainsi : « M. Charles Baudelaire est, depuis une quinzaine d’années, un poète immense pour un petit cercle d’individus dont la vanité, en le saluant Dieu ou à peu près, faisait une assez bonne spéculation ; ils se reconnaissaient inférieurs à lui, c’est vrai ; mais en même temps, ils se proclamaient supérieurs à tous les gens qui niaient ce messie. Il fallait entendre ces messieurs apprécier les génies à qui nous avons voué notre culte et notre admiration : Hugo était un cancre, Béranger un cuistre, Alfred de Musset un idiot, et madame Sand une folle. Lassailly avait bien dit : Christ va-nu-pieds, Mahomet vagabond et Napoléon crétin.
« Mais on ne choisit ni ses amis ni ses admirateurs, et il serait par trop injuste d’imputer à M. Baudelaire des extravagances qui ont dû plus d’une fois lui faire lever les épaules. Il n’a eu qu’un tort à nos yeux, celui de rester trop longtemps inédit. Il n’avait encore publié qu’un compte rendu de Salon très vanté par les docteurs en esthétique, et une traduction d’Edgar Poe. Depuis trois fois cinq ans, on attendait donc ce volume de poésies ; on l’a attendu si longtemps, qu’il pourrait arriver quelque chose de semblable à ce qui se produit quand un dîner tarde à être trop servi ; ceux qui étaient les plus affamés sont les plus vite repus : l’heure de l’estomac est passée.
« Il n’en est pas de même de votre serviteur. Pendant que les convives attendaient avec une si vive impatience, il dînait ailleurs tranquillement et sainement, et il

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