Baudelairelaquelleestlavraie
Baudelaire
Laquelle est la vraie?
J'ai connu une certaine Bénédicta, qui remplissait l'atmosphère d'idéal, et dont les yeux répandaient le désir de la grandeur, de la beauté, de la gloire et de tout ce qui fait croire à l'immortalité.
Mais cette fille miraculeuse était trop belle pour vivre longtemps; aussi estelle morte quelques jours après que j'eus fait sa connaissance, et c'est moimême qui l'ai enterrée, un jour que le printemps agitait son encensoir jusque dans les cimetières. C'est moi qui l'ai enterrée, bien close dans une bière d'un bois parfumé et incorruptible comme les coffres de l'Inde.
Et comme mes yeux restaient fichés sur le lieu où était enfoui mon trésor, je vis subitement une petite personne qui ressemblait singulièrement à la défunte, et qui, piétinant sur la terre fraîche avec une violence hystérique et bizarre, disait en éclatant de rire: "C'est moi, la vraie Bénédicta! C'est moi, une fameuse canaille! Et pour la punition de ta folie et de ton aveuglement, tu m'aimeras telle que je suis!"
Mais moi, furieux, j'ai répondu: "Non! non! non!" Et pour mieux accentuer mon refus, j'ai frappé si violemment la terre du pied que ma jambe s'est enfoncée jusqu'au genou dans la sépulture récente, et que, comme un loup pris au piège, je reste attaché, pour toujours peut-être, à la fosse de l'idéal.
Introduction
- interroge la nature de la femme entre ange et beauté satanique
- dans Les Fleurs du mal, l’image féminine est marquée par une ambivalence qui correspond à la psyché du poète.
- Il semble que ce poème reprenne ce thème et cherche à résoudre ce dualisme
- Faut-il considérer le titre comme une interrogation essentielle ?
Le poème semble reposer sur un affrontement dramatique : à la double nature de la femme dont le dédoublement se charge d’une coloration fantastique s’oppose la nature d’un poète qui semble vouloir rester fidèle à l’idéal.
Toutefois, l’écriture, par le biais d’une ironie ne remet-elle pas en cause cette structure