I) Le bonheur comme satisfaction: être libre me permet de choisir le chemin de mon bonheur et de le suivre. Mais si le bonheur passe par la réalisation de mon essence, comme chez Spinoza, ça peut poser souci: pour Spinoza, le type dont l'essence est d'être un meurtrier a raison de tuer pour réaliser son essence. Et il n'a pas le choix d'être heureux autrement qu'en réalisant son essence. De ce point de vue, certes un peu extrême, résulte que l'on est prisonnier de son bonheur (ou plutôt de son moyen d'accéder au bonheur). Alors être libre... bof. II) La liberté comme aliénation: être libre m'inscrit dans un réseau de contraintes, notamment liée à la vie en société (à moins d'être libre à la Rousseau, et de jouir de se frotter aux arbres sans se confronter aux autres gens libres), et qui m'éloignent de ma liberté. Sous ce rapport, le fasciste embrigadé qui se transcende dans l'action collective ou l'esclave qui peut se laisser porter par des contraintes qu'il n'a pas besoin d'intérioriser sont plus heureux que l'individu libre qui peut avoir à faire le choix d'abdiquer son bonheur pour assumer sa liberté. A la rigueur, mon chien (pas libre, car pas humain et pas conscient) est plus heureux que moi dès lors qu'il a à manger et une gratouille sur la tête (cela dit, ça me va assez bien aussi). III) Le bonheur à géométrie variable: être libre peut passer par l'abdication de son bonheur le plus direct. Mais, ce faisant, l'être gagne une dignité supérieure. Se référer au devoir dans la morale kantienne. Le sentiment de cette dignité, de l'adéquation de ses actes avec la loi morale, est un bonheur d'un ordre supérieur au bonheur qui passe par la satisfaction de désirs mondains, contingents. Cela permet, en outre, de dépasser la difficulté des questionnements existentiels propres à la liberté: au moins, avec le devoir, je sais à quoi m'en tenir, tout libre et incertain que je suis par ailleurs. Par l'exercice de ma liberté, je transcende ses difficultés.