Britannicus
Agrippine, Seigneur , se l'était bien promis.
Elle a repris sur vous son souverain empire.
Néron
Quoi donc ? Qu'a-t-elle dit ? Et que voulez-vous dire ?
Narcisse
Elle s'en est vantée assez publiquement.
Néron
De quoi ?
Narcisse Qu'elle n'avait qu'à vous voir un moment :
Qu'à tout ce grand éclat, à ce courroux funeste
On verrait succéder un silence modeste,
Que vous-même à la paix souscririez le premier,
Heureux que sa bonté daignât tout oublier.
Néron
Mais, Narcisse, dis moi, que veux tu que je fasse ?
Je n'ai que trop de pente à punir son audace.
Et si je m'en croyais ce triomphe indiscret
Serait bientôt suivi d'un éternel regret.
Mais de tout l'univers quel sera le langage ?
Sur les pas des tyrans veux-tu que je m'engage,
Et que Rome effaçant tant de titres d'honneur
Me laisse pour tous noms celui d'empoisonneur ?
Ils mettront ma vengeance au rang des parricides.
Narcisse
Et prenez-vous, Seigneur, leurs caprices pour guides ?
Avez-vous prétendu qu'ils se tairaient toujours ?
Est-ce à vous de prêter l'oreille à leurs discours ?
De vos propres désirs perdrez-vous la mémoire ?
Et serez-vous le seul que vous n'oserez croire ?
Mais, Seigneur, les Romains ne vous sont pas connus.
Non non, dans leurs discours ils sont plus retenus.
Tant de précaution affaiblit votre règne.
Ils croiront en effet mériter qu'on les craigne.
Au joug depuis longtemps ils se sont façonnés.
Ils adorent la main qui tient enchaînés.
Vous les verrez toujours ardents à vous complaire.
Leur prompte servitude a fatigué Tibère.
Moi-même revêtu d'un pouvoir emprunté,
Que je reçu de Claude avec la liberté,
J'ai cent fois dans la cours de ma gloire passé
Tenté leur patience, et ne l'ai point lassée.
D'un empoisonnement vous craignez la noirceur ?
Faites périr le frère, abandonnez a sœur.
Rome sur ses autels prodiguant les victimes,
Fussent-ils innocents, leur trouvera des crimes.
Vous verrez mettre au rang des jours