calculer est-ce penser?
Toutefois, si on essaye de préciser quelles différences il y aurait entre calculer et penser, l’embarras est grand. En effet, si penser c’est raisonner, la différence avec calculer n’apparaît pas immédiatement. Ne dit-on pas de quelqu’un qu’il n’a pas assez réfléchi ou qu’il n’a pas bien calculé ? Dès lors, la réflexion n’est-elle pas un caractère tout à fait secondaire de la pensée qui serait fondamentalement un calcul ?
Aussi peut-on se demander si penser et calculer ne sont pas une seule et même chose. On sait que le latin ratio d’où vient raison veut aussi dire calcul. Il en est de même du grec logos. Aussi semble-t-il y avoir une affinité entre penser et calculer, voire une identité que masque le fait que le calcul s’entend surtout du domaine des quantités alors que la pensée semble relative à la qualité.
En effet, calculer, comme le montrent les opérations élémentaires que sont l’addition et la soustraction, implique de manipuler des nombres en fonction de certaines règles. Celles-ci peuvent faire l’objet de démonstrations, qui ne sont rien d’autre que des manipulations de notions plus fondamentales et de règles plus fondamentales. Par exemple, 3 + 1 = 1 + 3. Il est possible de démontrer que l’addition est commutative, c’est-à-dire que quels que soient les nombres a et b, a + b = b + a.
Lorsqu’on raisonne sur autre chose que des nombres, on utilise bien également des règles, à savoir celles de la logique qui peuvent également faire preuve de démonstrations comme les théorèmes des mathématiques. Mieux, la logique elle-même peut être mathématisée, comme Leibniz (1646-1716) en avait caressé le projet, et comme les mathématiciens l’ont fait à partir du xix° siècle.