Chap 2 Les m moires
Chapitre 2 Les mémoires : lecture historique
Le mot « mémoire » est polysémique. C’est d’abord la faculté pour un individu de conserver et de se remémorer des connaissances (« avoir de la mémoire », « faire appel à sa mémoire »). Elle est alors forcément subjective. C’est aussi un patrimoine immatériel d’un groupe ou d’une société, dont elle assure la cohésion (« mémoire collective »). La pratique des commémorations permet d’entretenir cette mémoire, ce souvenir. Cependant les mémoires d’un même événement peuvent s’entrechoquer, voire se contredire. L’enjeu mémoriel peut alors apparaître comme la défense d’un groupe contre un autre, l’affirmation d’une identité face à une autre (colonisés/colonisateurs ; résistants/collaborateurs ; algériens/français). On peut même aller jusqu’à une logique victimaire : les Juifs s’identifient par rapport au génocide qu’ils ont subi lors de la seconde guerre mondiale, mais les Tziganes ou les harkis se sentent lésés par le manque de reconnaissance officielle.
La mémoire nourrit donc le travail de l’historien, notamment dans le cas où des témoins vivent encore (sources orales). Il s’intéresse surtout aux mémoires collectives dont ils écrivent l’histoire notamment à partir des lieux de mémoire. Les historiens participent ainsi à l’élaboration d’une conscience historique.
Cependant, si la mémoire est nécessaire à l’historien, elle n’est pas suffisante. L’historien est face à des mémoires différentes (chacun se rappelle ce qu’il veut bien se rappeler, interprète les faits à partir de son ressenti, de ses émotions, de ses passions et oublie certains souvenirs). L’historien doit donc faire un travail critique sur ces mémoires et établir la « vérité ». Les Français sont demandeurs d’explication sur leur passé ce qui peut entraîner des « conflits de mémoire » (Shoah, colonisation, guerre d’Algérie). Ce « devoir de mémoire », expression apparue dans les années 90, oblige l’Etat à