Colmeres et narration
Marianne HALLORAN
Introduction
L e problème que représente la formation identitaire chez le sujet colonisé a été abordé par de multiples théoriciens. Que ce soit
Frantz Fanon, Aimé Césaire, Albert Memmi ou Edward Said, tous s'accordent à dire que l'identité du colonisé a été, au fil des années, conditionnée par le regard du colonisateur. Divers mouvements théoriques tels que la négritude sont nés en réaction à ce conditionnement …afficher plus de contenu…
.. noire de Salem publié par Condé en 1986 et
Pluie et vent sur Télumée Miracle publié par Schwarz-Bart en 1972. La narration des deux romans se fait exclusivement à la première personne.
Chez Condé le «je » est Tituba, une esclave de la Barbade devenue servante à Salem et accusée d'être une sorcière; chez Schwarz-Bart, le
«je » est Télumée, une vieille Guadeloupéenne qui raconte sa vie et celle des femmes de sa famille. Le but de Condé est rendu tout à fait explicite par une« Note historique» se trouvant à la fin du roman dans laquelle elle indique que Tituba a vraiment existé et qu'elle était une des sorcières jugées à Salem en 1692 (315-16). En utilisant le« je » Condé donne donc la possibilité à un sujet antillais semi-fictif de raconter sa propre …afficher plus de contenu…
La narration alterne d'un personnage à l'autre. Le narrateur qui retrace les pérégrinations de Rigobert est un narrateur omniscient : « Rigobert reprit son errance quotidienne, auréolé de la renommée de son funeste présage.
On savait qu'il avait annoncé quelque chose d'extraordinaire mais quoi, peu de gens s'en souvenaient » (31 ). Lorsque l'on passe au point de vue d' Alcide, la narration se fait à la première personne : «Rigobert, mon sauveur, celui par la grâce de qui j'ai découvert ma négresse féerique, sourit de toutes ses dents avariées» (155). Confiant fait donc cohabiter deux narrateurs dans son roman et l'on peut se demander dans quel but il introduit cette dualité narrative. En réinscrivant ce phénomène