Marivaux a beaucoup utilisé les jeux de travestissement dans ses comédies. Dans Le Jeu de l’Amour et du Hasard les maîtres et les valets échangent leurs habits et leurs rôles dans un contexte de badinage amoureux. Dans L’Ile des Esclaves le changement de condition se fait plus sérieusement en se basant sur une problématique morale : la question des inégalités sociales. L’extrait que nous allons analyser se situe à la fin de la scène 3 de cette comédie en un acte. Les personnages ont échoué sur l’île dite des esclaves. Les rôles de maîtres et de valets sont compléments inversés (habits, conditions, prénoms,...). Ici, Trivelin, chef de l’île, donne librement la parole à Cléanthis, ancienne esclave d’Euphrosine. Elle va dresser le portrait de sa maîtresse. Nous allons donc nous demander comment Cléanthis utilise sa liberté de parole et en quoi le portrait qu’elle dresse a une importance dans leur séjour sur l’île. Pour répondre à cette problématique nous commencerons par analyser la construction du discours de Cléanthis. Nous nous intéresserons ensuite à la mise en abyme du théâtre dans cet extrait. Puis nous analyserons la dimension satirique du portrait de la coquette.

Pour la première fois Cléanthis peut enfin s’exprimer librement sur sa maîtresse et en la présence de cette dernière. Nous allons étudier la construction de son discours, de quelles façons elle choisit de s’exprimer. Cléanthis va faire le choix de nous exposer des situations de sa vie quotidienne au côté d’Euphrosine. Elle va donc faire un récit en évoquant le réveil de «Madame», les trucs et astuces de la coquette et différentes petites anecdotes comme celle du cavalier : «Vous souvenez-vous d’un soir où vous étiez avec ce cavalier si bien fait». Le fait de parler de moments précis donne l’impression que Cléanthis laisse enfin éclater toute sa rancoeur et tout ce qui l’a mise hors d’elle durant sa vie d’esclave aux côtés d’Euphrosine. Cette rancoeur apparaît d’autant plus clairement dans