Commentaire littéraire : la machine infernale
Jean Cocteau (1889-1963) est un artiste français aux multiples facettes : il est à la fois poète, romancier, dramaturge, dessinateur et cinéaste. Au cours de sa vie, il s’associe avec plusieurs écrivains et publie de nombreuses œuvres qui lui assureront sa renommée. Parmi ses pièces à succès, La machine infernale, écrite en 1932 et jouée pour la première fois en 1934, reprend le mythe d’Œdipe, héros tragique grec. L’extrait proposé se situe à l’Acte II, lors de la rencontre entre Œdipe et le Sphinx. Dans ce passage, celle-ci effectue une démonstration de son pouvoir au jeune homme effrayé et ensorcelé. Comment Jean Cocteau retranscrit-il la toute puissance du Sphinx et la soumission d’Œdipe pour nous dévoiler un regard retravaillé du mythe antique ? Nous étudierons dans un premier temps comment le Sphinx envoûte Œdipe à travers ses paroles, puis dans une seconde partie nous analyserons l’impact de cet ensorcellement sur le héros, afin de pouvoir constater la modernisation du mythe apportée par l’auteur.
Tout d’abord, le Sphinx possède le rôle dominant dans cet échange, elle se place en position de force par rapport à Œdipe et l’ensorcelle. En effet, dès le début du passage, le Sphinx annonce « Inutile de fermer les yeux, de détourner la tête » et apparaît d’emblée comme une figure imposante et autoritaire. Ses longues tirades provoquent une sensation d’étouffement et représentent un fil qui s’enroule autour de sa victime, ce qui fait allusion à l’étymologie du mot « Sphinx » qui signifie « l’étrangleuse ». Cet emprisonnement est d’ailleurs explicitement exprimé, lorsque le Sphinx évoque « un fil qui te ligote avec la volubilité des arabesques folles du miel qui tombe sur du miel », ou encore à travers la métaphore filée de ce fil tout au long du passage : « je dévide, je déroule », repris dans la première et dans la deuxième tirade, « j’enroule », « nœuds », « je