Commentaire marivaux
Introduction : L'Île des esclaves est une courte pièce de Marivaux datée de 1725, en pleines prémisses des Lumières, ne comportant pas d'actes mais onze scènes de longueur variable, mettant en place une utopie : sur cette île, ce sont des esclaves qui règnent et font les lois, proposant une sorte de « thérapie psychologique » aux anciens maîtres. Il s'agit de placer ces derniers dans les rôles de leurs subordonnés, afin de comprendre en profondeur leurs abus de pouvoir et donc, au bout de cette cure, d'être « meilleurs », plus « raisonnables ». Ainsi le valet Arlequin prend la place de son maître Iphicrate et la servante Cléanthis, celle de sa maîtresse Euphrosine.
Dans le passage que nous étudions, il s'agit précisément de ces deux dernières. L'ancien esclave Trivelin, législateur de l'île, demande à Cléanthis de brosser le portrait fidèle et objectif de son ancienne maîtresse... ce à quoi la première va se livrer... sans aucune retenue. Nous nous demanderons en quoi Cléanthis est-elle ici maîtresse du jeu. Pour cela, nous étudierons d'abord sa maîtrise de l'art du portrait ; nous verrons ensuite que sa caricature sert à insérer une critique des mœurs chère à l'écrivain des Lumières.
Cléanthis maîtrise l'art de la satire
A- La terminologie et les outils du portrait Le portrait est d'abord un terme d'art plastique. Faire le portrait de quelqu'un à l'origine, c'est le peindre conformément à la réalité, à des époques où la photographie n'existe pas encore. Le portrait est ici éminemment caricatural.
Cette origine du portrait se perçoit dans le texte où elle est clairement revendiquée : « TRIVELIN, à Euphrosine. - Courage, Madame, profitez de cette peinture-là, car elle me paraît fidèle. » (l. 38-39). Par extension, le portrait se retrouve donc dans la littérature, généralement dans le roman, où le narrateur décrit minutieusement ses