Hanté par le désir de domaines nouveaux pour la poésie, Apollinaire apparaît comme l’homme de toutes les nouveautés. Pourtant, une parenté secrète existe entre ce novateur tapageur et les plus anciens lyriques de la littérature. Dans son chef-d’œuvre « Alcools », paru au début du XXème siècle, il a souvent chanté le mal d’aimer et la mélancolie de l’absence. « Mai », second poème du groupe Rhénanes, est l’expression lyrique des sentiments personnels et s’inspire des impressions recueillies par Apollinaire lors de son séjour sur les bords du Rhin. Apollinaire, par le biais d’une série d’images pittoresques, liées au paysage sentimental du poète, évoque son amour au passé et un mois de mai teinté de mélancolie.En fait, l’évocation du mois de mai restitue le souffle hésitant de la parole poétique. Cette parole s’élabore par rajouts successifs : le titre du poème, constitué du seul substantif sans article, est progressivement déterminé, au premier vers, par l’article (le mai) …afficher plus de contenu…

L’adjectif contamine alors l’écriture poétique puisqu’il est employé pour qualifier les « dames » au V.3, cette fois aidé de l’intensif « si ». Tout paraît annoncer une idylle printanière : le titre, les personnages mis en scène (« Des dames » sur la rive « qui regard[ent] » v.2 ; un jeune homme qui passe « en barque sur le Rhin » v.1). L’exclamation admirative de ce dernier « Vous êtes si jolies » v.3 ne peut que renforcer notre impression. Dans la dernière strophe, le poète reprend la formule initiale pour introduire un nouveau tableau fait de « ruines » v.14 et de « vent » v.16. Cette reprise à l’identique du premier hémistiche du v.1 donne l’impression d’entendre une lointaine chanson populaire, un air chanté que concrétise