Contrats par serment
LA CONSTRUCTION CANONIQUE DU SERMENT AUX XIIe-XIIIe SIÈCLES DE L’INTERDIT À LA NORME, PAR Mme CORINNE LEVELEUX-TEXEIRA
La question du serment au Moyen Âge constitue un sujet immense, d’une redoutable complexité mais aussi d’une grande centralité pour qui veut essayer de saisir les mécanismes du pouvoir politique, de la régulation sociale, voire de la croyance religieuse qui prévalurent largement au cours des siècles de cette époque. Comme le soulignait P. Michaud-Quantin dans son ouvrage déjà ancien consacré aux formes médiévales du mouvement communautaire, « il n’est pas exagéré de dire que l’engagement juré constitue un des éléments essentiels de l’organisation sociale au Moyen Âge. La structure du système féodal repose sur l’hommage qui est une prestation de serment de fidélité, les souverains, à partir du dernier tiers du XIIe siècle, font intervenir dans les rites de leur accession au trône un engagement juré formel qui remplace l’ancienne professio d’une nature juridique jugée trop vague. Les alliances, traités de paix, contrats même, dès qu’ils revêtent une certaine importance, se renforcent de serments dont les instruments décrivent minutieusement la forme et la teneur. Si le souverain s’engage envers ses sujets, ceux-ci sont de leur côté obligés de faire de même à son égard. »1 Présent à tous les niveaux du corps politique, il est le vinculum unicum societatis humanae conservativum, le seul lien qui maintienne la société des hommes2. Enfin, structurant les instances collectives3, le serment sert aussi de cadre ou de référence à une multitude de rapports interindividuels, qu’il s’agisse de garantir un engagement ou d’attester, judiciairement ou non, la véracité d’une assertion. Quels que soient les motifs d’un usage aussi répandu (intensité du sentiment religieux, force de la culture orale, mais également
1. Universitas. Expressions du mouvement communautaire dans le Moyen Âge latin, Paris, 1970, p. 233 sqq. 2. J. Gerson, Œuvres