Je l'ai vu. Une ombre à peine. Ou plutôt une tache pale dans la nuit. J'ai fait signe à Boris. Il étai là. A cinq cent mètres environ. A peine discernable. Au pied de notre colline. Il nous tournait le dos. I devait être assis par terre. Car nous ne voyions qu'unn dos. Un dos nu. Une grande tache de chair claire dans la nuit humide. Il était nu et ses cheveux tombaient sur ses épaules. Des cheveux noirs et broussailleux. Des cheveux hirsutes de vieux satyre. Il était là, enfin, à quelques mètres a peine. A portée de voix, à portée de course. J'ai fait signe à Boris de me suivre et , silencieusement, nous avons commencé à ramper pour nous approcher de la bête. Pour nous approcher et pouvoir être enfin face à ce fou qui, depuis des jours et des jours, hurlait le long des lignes. Nous avancons maintenant. Plus que 100 mètres. Je distingue mieux son dos. Il est maigre, presque squelettique. Les os des omoplates jaillissent de sous la peau comme des récifs sous la mer, anguleux, coupants presque. Il était maigre et sale. Son corps est souillé de terre et, sur sa peau, la sueur a dessinés de longues rigoles en souvenirs des efforts passés. Nous nous approchons. Plus qu'une centaine de mètres. Que fait-il? Il a baissé la tête sur son ventre, maintenant. Je crois qu'il mange. Il doit être en train de déchiqueter quelques racines ou quelque nourriture volée sur des cadavres. Nous entendon sclairement maintenant des bruits confus de mastication. Grognements et déchiquetages. Coups de dents et reniflements goinfres. Nous avancons. 40 mètres. C'est là qu'il nous a entendus. Entendus ou sentis, je ne sais aps. Nous n'avons fait aucun bruit. Ni branche cassée, ni murmure. Rien qui lui aurait permis de déceler notre présence. Mais le vent soufflait dans notre dos. Et je ne crois pas absurde d'affirmer qu'il nous a décelés à notre odeur. Comme un animal. A notre odeur d'homme. Il s'est retourné d'un coup. Accroupis sur ses pieds. Nous restons figés. Face à face avec la bête.