De la pyramide au réseau
(ce texte paraîtra comme introduction à l'ouvrage de François Ost et de Michel van de Kerchove De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Presses des Facultés Universitaires Saint Louis)
François Ost & Michel van de Kerchove
ost@fusl.ac.be & vdk@fusl.ac.be
Le corps du texte est précédé et suivi d'un "hors texte".
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Hors-texte I
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Deux illustrations pour entamer notre réflexion. La première est tirée du frontispice de l'édition originale du Léviathan de Thomas Hobbes (1651) , ouvrage fondateur à la fois du positivisme juridique et de la théorie politique moderne. Un personnage allégorique, mi-homme, mi-dieu, domine le pays : le Léviathan tout-puissant, ce personnage «artificiel», dit Hobbes, qui symbolise la République. Les attributs des pouvoirs temporel (l'épée) et spirituel ( la crosse) confèrent à sa couronne une assise solide, dessinant deux lignes convergentes, l'ébauche d'une pyramide. Et pour que personne ne se méprenne, une citation de l'Écriture accrédite son pouvoir : non est potestas super terram quae comparetur ei (il n'est, sur terre, aucune puissance qui surpasse la sienne). Pas de doute, voilà le souverain, titulaire d'un pouvoir sans partage, qui irradie jusqu'aux confins les plus reculés de l'État. Son pouvoir est absolu, non pas tant au sens de tyrannique ou de totalitaire, mais en cela qu'il présuppose une perspective unique, monologique, qui détermine toute perception possible. Du reste, à mieux y regarder, on s'aperçoit que le grand corps de l’État est composé de l'assemblage de tous les sujets de droit, tous «assujettis», tous s'identifiant à lui, communiant dans sa volonté «générale». Kelsen n'écrira-t-il pas que les sujets de droit ne sont, e n définitive, que les organes de l’État, et leurs droits subjectifs, de simples corollaires du droit objectif ? Cet univers pyramidal est celui de l'ordre et de la hiérarchie : un ordre vertical et