Diderot, la religieuse, 1796
Dans ce roman – mémoire, une jeune femme malheureuse se sauve de son couvent et se met à raconter son histoire pathétique en se destinant à un homme qu’elle ne connaît point : « Monsieur, je ne sais à qui j’écris ; mais, dans la détresse où je me trouve, qui que vous soyez, c’est à vous que je m’adresse » (Diderot 244-245). Rejetée par sa mère et ne connaissant pas l’identité de son père biologique, Marie-Suzanne Simonin ne sait qui elle est, d’où elle vient ni où elle va. La seule certitude tangible repose sur le fait qu’elle ne soit pas faite pour la solitude des cloîtres. La Religieuse de Diderot se repose sur une alternance de récits et de discours où Suzanne retranscrit, commente, et juge son passé en s’adressant à la sensibilité et à la raison de son destinataire, M. le marquis de Croismare, en qui elle espère découvrir un protecteur. Cette structure permet à Diderot de faire un commentaire social de l’époque, une critique féroce de la vie monastique, et une leçon morale « aux pères et aux mères qui forcent leurs enfants à entrer dans les couvents » (Ponton 359). Dans cet ouvrage, une expression de ses théories dramatiques et esthétiques est mise en évidence. C’est un roman sombre, proche du roman noir quand il s’agit de peindre des souffrances, mais toujours avec un esprit philosophique. En relevant l’importance des aspects structurels du roman et en précisant le rôle des éléments stylistiques à travers les thèmes évoqués, nous comprendrons mieux l’originalité de l’œuvre ainsi que les diverses résonances qu’elle éveille chez le lecteur.
Le choix d’écrire un roman - mémoire résulte de plusieurs raisons profondes. Tout d’abord, cela permet un mélange constant assez naturel de récits et de discours. Pour s’attacher à un protecteur, Suzanne Simonin, jeune narratrice, est obligée d’utiliser les deux aspects structurels à la fois. Elle se sert du récit impressif pour émouvoir et provoquer la compassion de M. le marquis de Croismare,