Le Discours de la servitude volontaire est un ouvrage rédigé en 1549 par Étienne de La Boétie, étudiant en droit de 18 ans, à l'université d'Orléans, qui se prépare à une carrière dans la magistrature. Sans doute marqué par la brutalité de la répression d'une révolte anti-fiscale en Guyenne en 1548, il traduit le désarroi de l'élite cultivée devant la réalité de l'absolutisme. Sa première publication date exactement de 1574. Ce texte pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population, mais il le fait de manière aussi paradoxal que le pouvoir dont il parle. Ainsi, s’il s’apparente, à première vue, à un réquisitoire contre l’absolutisme, ce texte, et cet extrait en particulier, pose le problème de manière paradoxale, en rendant le peuple responsable de sa propre servitude. C’est selon ces deux axes que nous étudierons l’extrait, avant de tenter de répondre à la question suivante : s’agit-il d’un discours révolutionnaire ou l’amorce d’une réflexion humaniste portant sur la nature du pouvoir exercé par un monarque sur les peuples ?
I. Un discours adressé au peuple, contre le monarque ?
A première vue, on pourrait croire que ce texte est un discours exhortant le peuple à se soulever contre un monarque absolu, dans le style des Lumières, qui n’arriveront que bien plus tard.
A. Un discours adressé au peuple
- Omniprésence du récepteur, 2e pers pluriel « vous » : « vous » collectif désignant le peuple, « vos »… A peine trois lignes u texte ne comportent pas ce pronom.
- Peuple apostrophé dès la première ligne, par trois périphrases :
o « pauvres gens misérables » : peuple caractérisé par sa pauvreté ; LB insiste là-dessus en employant un pléonasme (« pauvres » = « misérables=, à moi que « pauvres » relève du registre pathétique)
o « Peuples insensés » : changement de ton : « pauvre » serait donc à prendre comme dans l’expression « pauvres fous » : le peuple est cette fois-ci caractérisé par sa