1 Le raisonnement et la pragmatique Ira Noveck CNRS-Institut des Sciences Cognitives, Lyon Guy Politzer CNRS- Laboratoire Cognition et Activités Finalisées, Université de Paris 8 On pourrait penser que les inférences pragmatiques constituent un objet d’intérêt prioritaire pour les psychologues, car ces inférences se manifestent dans presque tous leurs paradigmes expérimentaux. Mais cela n’a pas toujours été le cas. La littérature scientifique concernant le raisonnement, longtemps intéressée par les réponses normatives, a manifesté une tendance très nette à négliger l’analyse des réponses incorrectes, même celles douées d’un caractère pragmatique spécifique. Par exemple, comme on va le voir plus tard, selon une interprétation traditionnelle formelle de Si p alors q, il n’existe que deux arguments valides associés à cette expression: Modus Ponens (Si p alors q; p // donc q) et Modus Tollens (Si p alors q; non-q // donc non-p). Dans les tâches typiques de raisonnement conditionnel les conclusions correctes sont basées sur la compréhension de ce genre de conditionnels. Cependant, une interprétation informelle (i.e. pragmatique) des énoncés Si-alors entraîne souvent des inférences non correctes du point de vue de l’analyse traditionnelle telles que la Négation de l’Antecedent (Si p alors q; non-p // donc non-q) ou encore l’Affirmation du Consequent (Si p alors q; q// donc p). Le fait de voir les inférences pragmatiques comme des réponses simplement incorrectes, sans chercher à en étudier la genèse, explique pourquoi la pragmatique a longtemps été reléguée à un rôle tout à fait marginal dans la recherche sur le raisonnement. Cette vision de la pragmatique a toutefois changé. L’idée que les principes pragmatiques jouent un rôle dans le raisonnement, proposée dans deux de nos anciens articles (Politzer, 1986; Noveck, Lea, Davidson & O’Brien, 1991), est désormais acceptée dans la littérature psychologique. Ici, nous soutenons qu’on peut pousser une hypothèse sur la