Dissertation sur la justice
"Tu ne tueras point": un des dix commandements que Moïse reçoit au Mont Sinaï non seulement fonde une exigence religieuse mais rappelle aussi l'évidente condition de la vie en commun des hommes. Or, écrit Tocqueville dans De la démocratie en Amérique, "l'intérêt général et permanent du genre humain est que les hommes ne se tuent point les uns les autres ; mais il peut se faire que l'intérêt particulier et momentané d'un peuple ou d'une classe soit, dans certains cas, d'excuser et même d'honorer l'homicide". De la sorte le philosophe souligne la relativité d'une justice dont les principes paraissent circonstanciels ; à bien noter toutefois que l'intérêt collectif dont parle Tocqueville nous inscrit dans le cadre d'une réflexion politique : le "peuple", ou une "classe" légitimeraient parfois le crime. Serait-ce que la raison d'État, dont la fin est la collectivité, sait parfois prendre le pas sur la justice ? Pourrait-elle légitimer le crime? Considérons trois œuvres de notre programme qui, chacune, évoquent le crime: les deux dernières pièces de la tragédie L'Orestie, à savoir Les Choéphores et Les Euménides d'Eschyle, et Les Raisins de la colère de l'américain John Steinbeck ; elles nourriront notre réflexion pour montrer d'abord que sans conteste, l'homicide perturbe la vie du groupe et est à ce titre puni ; mais nous montrerons que simultanément, il peut fonder, asseoir la cohésion de ce même groupe dès lors qu'il s'inscrit dans l'urgence politique. Toutefois, cet instant politique est fondamentalement invité à être dépassé et ne saurait trouver de légitimité dans la durée.
L'homicide est toujours montré comme une déviance : la violence primaire ne saurait permettre la vie en commun ; et ce geste, individuel, a des répercussions nuisibles sur la collectivité. En réaction, la justice est cette instance qui préserve l'intérêt collectif. L'acte qui conduit à l'homicide est violent et