dissertation
RUFISQUE 2LC
Etude de texte : ACTE II : SCÈNE V
ARNOLPHE, AGNÈS
AGNÈS
. Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m’aborde, en parlant de la sorte :
« Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas fait une belle personne,
Afin de mal user des choses qu’il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un cœur qui de s’en plaindre est aujourd’hui forcé. »
ARNOLPHE, à part.
Ah ! suppôt de Satan ! exécrable damnée !
AGNÈS
Moi, j’ai blessé quelqu’un ? fis-je tout étonnée.
« Oui, dit-elle, blessé, mais blessé tout de bon ;
Et c’est l’homme qu’hier vous vîtes du balcon. »
Hélas ! qui pourrait, dis-je, en avoir été cause ?
Sur lui, sans y penser, fis-je choir quelque chose ?
« Non, dit-elle ; vos yeux ont fait ce coup fatal,
Et c’est de leurs regards qu’est venu tout son mal. »
Eh, mon Dieu ! ma surprise est, fis-je, sans seconde ;
Mes yeux ont-ils du mal, pour en donner au monde ?
« Oui, fit-elle, vos yeux, pour causer le trépas,
Ma fille, ont un venin que vous ne savez pas,
En un mot, il languit, le pauvre misérable ;
Et s’il faut, poursuivit la vieille charitable,
Que votre cruauté lui refuse un secours,
C’est un homme à porter en terre dans deux jours. »
Mon Dieu ! J’en aurais, dis-je, une douleur bien grande.
Mais pour le secourir qu’est-ce qu’il me demande ?
« Mon enfant, me dit-elle, il ne veut obtenir
Que le bien de vous voir et vous entretenir ;
Vos yeux peuvent eux seuls empêcher sa ruine,
Et du mal qu’ils ont fait être la médecine. »
Hélas ! volontiers, dis-je ; et, puisqu’il est ainsi,
Il peut, tant qu’il voudra, me venir voir ici.
ARNOLPHE, à part.
Ah ! sorcière maudite, empoisonneuse d’âmes,
Puisse l’enfer payer tes charitables trames !
AGNÈS
Voilà comme il me vit,