Introduction
Dans le Menon de Platon, Socrate défend une théorie de la connaissance structurée par la réminiscence. Il estime que certaines idées (en l’occurrence les vérités mathématiques) sont en nous depuis le tout premier moment de notre existence. Peut-on élargir cette thèse aux idées esthétiques ? En d’autres termes, existe-t-il chez l’artiste, de manière innée, une idée de la perfection esthétique, un sens déjà bien établi du beau ? Car au-delà d’une réflexion sur ces deux différents ordres (mathématique, esthétique), le débat s’oriente vers la récurrente question de l’inné et de l’acquis : qu’est-ce qui est inné ? Les individus partagent-il équitablement ce que l’on nomme inné, ou certains en bénéficient-ils plus que d’autres ? Dans un premier temps il faut faire l’hypothèse d’un talent inné chez l’artiste, avant d’examiner ce que l’on entend vraiment par « inné ». Cela pour mieux percevoir la mesure dans laquelle se résout l’ultime interrogation : appartient-il à la nature d’un individu d’être déjà un artiste accompli ? I- L’artiste est-il un élu ?
- Dans les sociétés humaines, les artistes ont toujours eu une place particulière, une place comparable à bien des égards à celle des individus de religion. Du rhapsode grec au poète romantique du 19e siècle, les artistes se donnent comme « inspirés », « habités », ils ont été choisis pour entretenir une relation à la vie purement esthétique, sacrifiant tout à l’idéal de beau (Ion, Platon).
- Si, comme c’est le cas pour la religion, le sens de l’existence est défini par une élection, alors l’artiste est un élu, un individu déterminé capable de produire le beau. A ce titre, il possède des qualités, un talent, que d’autres n’ont pas. Mais il faut définir plus distinctement ce talent, en examinant en profondeur la notion « inné ». II- Le sens esthétique est-il inné ?
- Chaque individu est doué de raison, et à ce titre, il peut produire des jugements dans différents domaines, dont le domaine