La question « Douter, est-ce renoncer à la vérité ? » pose en premier le problème de la réciprocité : y a-t-il réciprocité entre ces deux actions ? Le verbe être, quand il est employé comme ici au sens relatif, peut signifier la réciprocité, le caractère convertible d’un jugement. Autrement dit, ici, les actions de douter et celle de renoncer à la vérité seraient réciproques, c’est à dire que la première découlerait de la deuxième et inversement. On voit ici une première difficulté : l’étude de cette question ne pourra se faire en une seule étape. Pour qu’il y ait réciprocité, il faut d’une part que l’action de douter découle de celle de renoncer à la vérité, et que d’autre part, l’action de renoncer à la vérité découle de celle de douter. Il nous faut donc étudier séparément chaque situation. Ce n’est qu’après avoir vérifié la validité de chaque opération que l’on pourra considérer cette réciprocité comme existante. L’action de douter découle-t-elle de celle de renoncer à la vérité ? Autrement dit, le doute naît-il d’un renoncement à la vérité ? Tel est assurément la situation du « sceptique grossier » critiqué par Hume dans ses « Dialogues sur la religion naturelle » : le sceptique grossier doute de tout « ce qu’il ne comprend pas aisément » et « de tout ce qui, pour être prouvé et établi, demande un raisonnement élaboré ». Ce type de personnage doute, c’est évident ; c’est à dire que son esprit est dans un état où il « se pose la question de savoir si une énonciation est vraie ou fausse, et qu’il n’y répond pas actuellement » (Lalande). Mais si l’on se re-penche sur la phrase de Hume, on voit que le doute revêt ici une forme assez particulière : un tel personnage doute à la fois « parce qu’il ne peut réussir » à la question qu’il s’est posée et « parce qu’il y a renoncé » (Lalande). C’est donc un doute hybride qui naît d’un sentiment d’impuissance et d’une paresse intellectuelle, et découle d’un renoncement à la connaissance,