Droit et désobéissance civile
María José Falcón y Tella
Le devoir d'obéissance à la loi apparaît chez Platon comme une obligation politique découlant du caractère social de l'homme (« Ubi homo, ibi societas ; ubi societas, ibi ius »). Mais déjà son maître Socrate avait formulé les bases d’une justification de la désobéissance civile, soulignant qu'il est préférable de subir l'injustice plutôt que de la provoquer, ce dont il devait donner l'exemple en acceptant la mort plutôt que de fuir ou de renoncer à la sagesse. De son côté, la « religion chrétienne » au Moyen Age distinguait, sur la base de la théorie des deux épées formulée au Vème siècle par le Pape Gélase, la sphère civile et la sphère religieuse. Se référant à la norme de l'Evangile qui veut que l’on « donne à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu », la Patristique a formulé de manière définitive le devoir d'obéissance en se fondant sur la doctrine paulinienne selon laquelle il n'y a d'autre pouvoir que celui qui vient de Dieu. Elle établit en outre que le bras armé de Dieu est plus puissant que celui des hommes, qu'ils soient rois ou empereurs, car ils sont ce qu’ils sont par la seule grâce de Dieu. La Scolastique, et notamment Saint-Thomas d'Aquin dans La Somme Théologique, acceptait que l’on désobéisse à des lois injustes (plutôt 128
définies comme des actes de violence que des lois) excepté en cas de scandale ou d'émeute (« propter vitandum scandalum vel turbationem ») et pour autant que lesdites lois soient contraires au droit divin et que la désobéissance à la loi ne produise pas de maux supérieurs à son accomplissement. L'Eglise actuelle a affirmé de la bouche de Jean XXIII qu’outre le fait qu’elles sont immorales, les lois qui violent les droits de l'homme sont dépourvues de force de loi. Au XVIIIème siècle, les théories « contractualistes » de Grotius, Pufendorf, Hobbes, Locke ou Rousseau penchent en faveur du devoir d'obéissance en vertu du principe « pacta sunt