Démocratie et représentation
La démocratie, dit-on, a été inventée par les Athéniens au Vème siècle avant Jésus-Christ. Existait là-bas, à cette époque, en effet, un système politique qui autorisait chaque citoyen à remplir une fonction publique s’il le désirait (Bernard Manin, dans ses Principes du gouvernement représentatif, rappelle bien qu’était tiré au sort le « premier venu », c'est-à-dire celui qui le voulait bien). On a appelé ce système politique une démocratie directe, c'est-à-dire un régime où tous les citoyens participaient à la prise de décision (je rappelle que n’étaient pas citoyens les femmes, les esclaves et les « métèques »). Le mot « démocratie » et sa définition sont restés adossés à cette expérience athénienne ; Lincoln n’a-t-il pas dit que la démocratie était « un régime du peuple, pour le peuple et par le peuple » ? Or, les régimes politiques modernes ont presque tous adoptés un gouvernement représentatif, c'est-à-dire un système où l’élection a remplacé le tirage au sort et où une minorité des citoyens participent à la prise de décision concernant l’ensemble de la collectivité nationale. On se demandera alors dans quelle mesure ce régime représentatif a été conçu dans l’idée de se rapprocher de cette démocratie dite pure. Il s’agira ainsi de montrer que le régime politique moderne de « démocratie représentative » est soumis depuis le début à son « aporie constitutive » (P. Rosanvallon), c'est-à-dire que son évolution est tenue par sa contradiction originelle : une démocratie de « distinction » (B. Manin) et abstraite. Pour expliciter ceci, nous verrons que la représentation politique a été conçue au départ comme un moyen de remédier aux maux de la démocratie directe et donc de s’en éloigner (I) Mais cette représentation, qui plus est restrictive à ses débuts, est vite apparue comme insuffisante pour répondre à la demande de « figuration du social » (P. Rosanvallon) et de participation politique, ce qui a eu pour