Dérivation en -isme
Michel Roché
CLLE-ERSS, CNRS et Université de Toulouse le Mirail
1. Introduction
Le travail de recherche présenté ici s’inscrit dans une réflexion qui vise à substituer à la notion de Règle de Construction des Mots celles, complémentaires, de modèle et de contrainte (Roché, à paraître), une des raisons étant que la morphologie constructionnelle fondée sur les règles a du mal à prendre en compte deux paramètres souvent déterminants : l’influence du lexique existant, d’une part, les contraintes phonologiques de bonne formation d’autre part. Il porte sur les dérivations en -isme et en -iste du français, à partir d’un corpus relativement important (environ 2.500 dérivés pour chaque suffixe) mais conventionnel (nomenclatures du Grand Robert et du TLF pour l’essentiel)1. Le volet de cette étude qui décrit l’organisation des composantes sémantique et catégorielle de ces dérivations fait l’objet d’une autre publication2. Nous le résumerons très succinctement (§ 2), comme point de départ pour observer par contraste comment le lexique déjà constitué développe sa propre logique, qui interfère avec ces données morphologiques et avec les contraintes phonologiques. Nous envisagerons pour cela plusieurs manifestation de la « pression lexicale », à différentes échelles : dans la genèse des modèles constructionnels eux-mêmes (§ 3) ; dans la constitution de paradigmes spécialisés au détriment de l’instruction propre au suffixe (§ 4) ; dans un cas de violation du principe de fidélité et de la contrainte d’euphonie (§ 5) ; dans la substitution, par « principe d’économie », d’un dérivé existant au dérivé attendu (§ 6.1) ou d’une base déjà construite à la base primitive (§ 6.2 et 6.3) 3.
2. La dérivation en -isme : données morphologiques
La présentation de la dérivation en -isme, ou de ses correspondants dans les autres langues européennes, se limite habituellement à un classement lexical des dérivés, d’un point de vue