Eloge de la lenteur
Je marchais au soleil, un gros sac sur le dos et le chemin était encore long devant moi. J’avais faim, j’étais fatigué mais personne ne m’attendait. J’avais tout mon temps pour finir cette route et, pourtant, je marchais vite. J’ai été d’un coup traversé de ce qu’il ne servait à rien de me dépêcher et que, pour mieux supporter le moment, je devais me mettre dans une disposition d’esprit à jouir de l’instant plutôt que de forcer le pas. Cesser de pester, de me rebeller contre une situation sur laquelle je n’avais pas prise, canaliser, économiser mon énergie et tenter d’apprécier la lenteur du moment.
Ceux qui me connaissent souriront de cet élan qui correspond bien peu à mon tempérament mais c’est justement parce qu’elle ne m’est pas naturelle que j’ai voulu travailler cette notion, comme si je cherchais ainsi à me pénétrer de ses bienfaits et parcourir, un jour peut-être, lentement mon chemin.
Introduction
On associe souvent à la lenteur une valeur dépréciative : évoquer celle de l’esprit d’une personne est une façon détournée de la traiter d’imbécile, celle de l’administration est un dysfonctionnement. Et on pourrait en citer bien d’autres. Ne pas être « speed », dans ses pensées ou ses actes, c’est être « out », hors du coup, décalé de la marche normale, actuelle du monde et de ses usages.
Notre époque valorise donc la vitesse dans laquelle on associe tout à la fois l’efficacité, la modernité et, d’une certaine façon, la jeunesse. C’est l’orgueil de l’homme que d’imposer son rythme au monde face à celui de la nature qui nous paraît plus nonchalant.
En réponse à cette accélération, la recherche de la lenteur procède alors d’un choix personnel, d’une attitude dont je tenterai de montrer ce qu’elle peut avoir, aujourd’hui plus que jamais, d’anachronique et de séduisant, mais aussi d’indispensable individuellement et collectivement.
Accélération brutale
Sans remonter aux origines, il est commun de constater que, depuis plus