Comment peut-on comparer l’art, qui se situe principalement dans le domaine de la représentation, de l’objet, et la morale, qui est pratique, et nous dit comment on doit vivre ? Une oeuvre d’art a-t-elle la possibilité, en elle-même d’être immorale ? L’art est-il amoral, plutôt qu’immoral ? Est-ce au nom de la moralité que l’on va ou non décider que l’œuvre est artistique ? De quoi relève l’art ? Du beau, de la création. L’art relève du sensible, il possède toujours une certaine matérialité, une certaine forme sensible. De quoi relève la morale ? Du bien. La question est donc de savoir si le beau (ou la belle création) peut n’être pas le bien, le bon. Est-ce l’artiste qui, par une intention, est à l’origine de l’immoralité ? Est-ce la réception, en un temps et un espace donnés, qui va décider de cette immoralité ? En ce cas, une oeuvre jugée immorale ne peut-elle pas changer, et devenir morale, sinon neutre, en un autre moment ? Et l’art n’a-t-il pas, pour une certaine part, vocation à être immoral ? Ne doit-il pas choquer, faire bouger les moeurs, et faire accepter sous le couvert de l’art ce qui est inacceptable dans la réalité ? La première réponse serait que c’est impossible, tout du moins dialectiquement. Il faut discuter la coïncidence de ces deux termes, ce paradoxe. Comment un homme peut-il être humain et inhumain en même temps ? Comment est-ce possible ? Qu’est-ce qui permet, dans l’humanité de l’homme, qu’un même homme puisse être humain et inhumain ? Cela ne seraitil pas contradictoire ? Ou ne serait-il pas plus juste de dire que l’inhumanité fait partie de tout homme, comme une part de lui ? Le fait que l’énoncé présuppose que cette inhumanité soit possible ne démontre-t-il pas que humanité et inhumanité vont ensemble ? On peut alors aussi travailler sur le « peut-il » de l’énoncé : si cette qualification est possible, n’est-il pas de notre devoir de la rendre impossible ? La réponse à la question de l’énoncé serait idéalement : « non, on ne devrait pas