Est-ce qu'il y a une privatisation de la légalité administrative ?
« À chaque instant, pour les règles de fond, soit pour celles de procédure, la jurisprudence fait des emprunts au droit commun, toutes les fois où la justice ou la nécessité l'exige dans le silence du droit spécial », écrit le commissaire du gouvernement Émile Reverchon dans ses conclusions sous l'arrêt du Conseil d'État du 27 février 1852 Niocel. Le phénomène d'application du droit commun par le juge administratif n'a rien de nouveau en soi et a longtemps été vu de manière assez pragmatique.
Le juge administratif apprécie la légalité de l'acte soumis à son contrôle à partir d'un bloc de légalité composé de l'ensemble de normes applicables à l'administration. La légalité administrative est composée, au sens strict, de l'ensemble de règles énonçant les conditions de légalité des actes administratifs, et dans un sens plus large, de l'ensemble de règles dont le non-respect peut amener le juge à la censure de l'acte en cause. Si l'autorité administrative est soumise au droit, elle est pourtant considérée comme soumise à un droit fait par elle et distinct de celui applicable aux particuliers. Or en même temps, alors même que l'administration est normalement soumise à un droit qui lui est propre, l'application du droit privé par le juge administratif ne peut pas être exclue, la légalité elle-même étant unique et indivisible.
Les références au droit privé faites par le juge administratif sont pourtant plutôt marginales, et cela au moins pour deux raisons. Premièrement, les règles de droit privé sont conçues pour s'appliquer aux personnes privées, agissant dans leurs intérêts privés : c'est un droit de l'égalité qui n'est pas conçu pour prendre en compte l'intérêt général. Deuxièmement, des pans entiers du droit privé régissent des relations entre des catégories de personnes privées (des opérateurs économiques actifs sur le marché, des consommateurs et des professionnels, etc.) et excluent semble-t-il