Eugène ionesco

448 mots 2 pages
Ma paroisse est dévorée par l'ennui, voilà le mot. Comme tant d'autres paroisses ! L'ennui les dévore sous nos yeux et nous n'y pouvons rien. Quelque jour peut-être la contagion nous gagnera, nous découvrirons en nous ce cancer. On peut vivre très longtemps avec ça. L'idée m'est venue hier sur la route. Il tombait une de ces pluies fines qu'on avale à pleins poumons, qui vous descendent jusqu'au ventre. De la côte de Saint-Vaast, le village m'est apparu brusquement, si tassé, si misérable sous le ciel hideux de novembre. L'eau fumait sur lui de toutes parts, et il avait l'air de s'être couché là, dans l'herbe ruisselante, comme une pauvre bête épuisée. Que c'est petit, un village ! Et ce village était ma paroisse. C'était ma paroisse, mais je ne pouvais rien pour elle, je la regardais tristement s'enfoncer dans la nuit, disparaître... Quelques moments encore, et je ne la verrais plus. Jamais je n'avais senti si cruellement sa solitude et la mienne. Je pensais à ces bestiaux que j'entendais tousser dans le brouillard et que le petit vacher, revenant de l'école, son cartable sous le bras, mènerait tout à l'heure à travers les pâtures trempées, vers l'étable chaude, odorante... Et lui, le village, il semblait attendre aussi – sans grand espoir – après tant d'autres nuits passées dans la boue, un maître à suivre vers quelque improbable, quelque inimaginable asile. Oh ! Je sais bien que ce sont des idées folles, que je ne puis même pas prendre tout à fait au sérieux, des rêves... Les villages ne se lèvent pas à la voix d'un petit écolier, comme les bêtes. N'importe ! Hier soir, je crois qu'un saint l'eût appelé.
Je me disais donc que le monde est dévoré par l'ennui. Naturellement, il faut un peu réfléchir pour se rendre compte, ça ne se saisit pas tout de suite. C'est une espèce de poussière. Vous allez et venez sans la voir, vous la respirez, vous la mangez, vous la buvez, et elle est si fine, si ténue qu'elle ne craque même pas sous la dent. Mais que vous vous

en relation

  • Le banquet de gervaise
    860 mots | 4 pages
  • L'assomoir
    1996 mots | 8 pages
  • Balzac et la petite tailleuse chinoise
    746 mots | 3 pages
  • Dali : vie et oeuvres
    1248 mots | 5 pages
  • Des coches montaigne
    2041 mots | 9 pages
  • La gloire de mon pere, questions sur le roman
    345 mots | 2 pages
  • Waris
    18393 mots | 74 pages
  • Roméo et Juliette
    1002 mots | 5 pages
  • cours d'histoire moyen-âge
    301 mots | 2 pages
  • Lettre a un soldat au front
    343 mots | 2 pages
  • Paul cézanne
    312 mots | 2 pages
  • Un mariage d'amour et therese raquin
    2603 mots | 11 pages
  • Le chaperon rouge
    363 mots | 2 pages
  • Le rapport de brodeck
    1466 mots | 6 pages
  • Eugène ionesco
    422 mots | 2 pages