Francais
Textes :
Texte A - Victor Hugo, "Rêverie", Les Orientales (1829)
Texte B - Charles Baudelaire, "Paysage", Tableaux parisiens, Les Fleurs du Mal (1857)
Texte C - Jules Supervielle, "San Bernardino", Débarcadères (1922)
Texte D - Saint-John Perse, "Le mur", Images à Crusoé, Éloges (1925).
Texte A - Victor Hugo, "Rêverie", Les Orientales (1829)
Oh ! laissez-moi ! c'est l'heure où l'horizon qui fume
Cache un front inégal sous un cercle de brume,
L'heure où l'astre géant rougit et disparaît.
Le grand bois jaunissant dore seul la colline :
On dirait qu'en ces jours où l'automne décline,
Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt.
Oh ! qui fera surgir soudain, qui fera naître,
Là-bas, - tandis que seul je rêve à la fenêtre
Et que l'ombre s'amasse au fond du corridor, -
Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,
Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,
Déchire ce brouillard avec ses flèches d'or !
Qu'elle vienne inspirer, ranimer, ô génies !
Mes chansons, comme un ciel d'automne rembrunies,
Et jeter dans mes yeux son magique reflet,
Et longtemps, s'éteignant en rumeurs étouffées,
Avec les mille tours de ses palais de fées,
Brumeuse, denteler l'horizon violet !
Texte B - Charles Baudelaire, "Paysage", Tableaux parisiens, Les Fleurs du Mal (1857)
Je veux, pour composer chastement mes églogues1,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.
II est doux, à travers les brumes, de voir naître
L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre
Les fleuves de charbon2 monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai