Giton et phédon
Double portrait construit à priori sur une opposition, opposition prise en compte par le lecteur dès le début du deuxième portrait. S’agit-il alors d’une critique des inégalités ? Faut-il lire ces portraits comme la démonstration du poids de la fortune ? Comment un portrait peut-il servir une argumentation ? Quelles sont les visées de La Bruyère ? Contre qui ou contre quoi est dirigée la satire ?
1 L’opposition qui charpente les portraits est trompeuse et insatisfaisante.
- Construction des deux portraits de manière parallèle : les deux propositions conclusives viennent trancher par leur brièveté avec la syntaxe précédente. Elles invitent à un jeu d’écho entre les détails (forme du corps, façon de parler, taille du mouchoir) au point que le lecteur pourrait anticiper le portrait de Phédon. L’ensemble repose sur un système simple et apparent d’opposition, l’un étant l’ envers de l’autre : voc du plein contre le voc du vide/ groupes binaires pour Giton et groupes ternaires pour Phédon. Cela devient systématique et poussé aux extrêmes.
- Ce qui peut les réunir est justement cette tendance à l’excès. Au-delà des apparentes différences, les deux portraits sont marqués par un voc. sans nuance : soit avec l’emploi de termes sans appel (tout / tous, emploi d’adverbe d’intensité « fort /profondément », de comparatif de supériorité « médiocrement/ plus de…) dans le cas de Giton ; soit avec l’emploi de termes négatifs (ne…point/ ne…jamais) d’adverbe limitatif (peu) dans le cas de Phédon. Ils sont sans doute difficilement dissociables : le jeu d’écho rapproche les situations et Phédon fait partie de l’auditoire de Giton ( « il croit peser à ceux qu’ils parlent » parce que Giton « redresse ceux qui ont la parole »), et l’on pourrait recomposer les scènes qu’ils constituent à deux ( à table , dans les cercles de conversation…).
- Il paraît même difficile de les dissocier d’un point de vue moral. Les critères choisis par La Bruyère