Guerre et stratégie aérienne : « la maîtrise de l’air » selon giulio douhet
« La "guerre de 14" c’est […] l’innovation de la tactique, le brutal apprentissage du caractère de modernité de la guerre, bref une porte d’entrée au vingtième siècle alors que les esprits naïfs des stratèges de l’époque se croyaient encore au dix-neuvième » . Ce constat que fait Carl Pepin au sujet de la Grande Guerre résume parfaitement la mutation de l’objet militaire et stratégique qui s’opère durant cette période. Le XXe siècle a accouché du concept de guerre totale qui implique l’élargissement des efforts de la guerre à la totalité de la population, et plus seulement aux combattants. Le front dépend donc de l’arrière qui fournit un travail de soutien notamment au niveau du ravitaillement et de la productions d’armes.
Cependant, la Grande Guerre est marquée par la grande immobilité des forces armées terrestres. Trop habituées aux opérations militaires d’avancées ou de reculs en ligne, les stratèges se heurtent à la puissance de nouvelles techniques. En effet, l’implication des populations a accéléré le progrès technique auquel n’ont pu cependant s’adapter les armées. Dominique David indique à cet égard que « la mobilisation sociale, donc aussi industrielle, a permis à l'instrument technique de verrouiller les concepts opérationnels : la combinaison des armes à tir rapide et de la couverture barbelée débouche provisoirement sur l'absolu de la défensive : l'immobilité » .
C’est dans ce contexte de paralysie que Giulio Douhet s’interroge sur de nouvelles possibilités stratégiques permettant de débloquer les opérations militaires. Dans cette optique, il envisage plusieurs possibilités dont l’utilisation du bombardement aérien. Perçu comme un personnage sulfureux, Douhet a sans-cesse capté l’attention de ses contemporains en raison de la détermination et de l’ardeur par lesquelles il s’est employé à défendre ses idées. Entre 1912 et 1915, il est à la tête de l’aéronautique militaire italienne qui ne tient pas une place majeure dans l’armée.