Héroïsme en morceaux dans hernani
Stéphane Desvignes (Université de Picardie Jules Verne)
Lors de la création d'Hernani, la Revue de Paris présente le drame de Hugo : « Au lieu d'une seule passion développée en cinq actes, et personnifiée comme on le voulait autrefois, l'auteur a jeté sur son théâtre des passions dont la diversité fatigue, bien que le principe d'héroïsme qui les dirige soit le même. » A quelques jours de là Le Correspondant souligne « les moeurs castillanes, l'héroïsme soutenu de la pièce, modifié par un ton de galanterie. » Je m'arrête là : nombreux sont les critiques qui soulignent ce qu'on pourrait appeler « l'impression d'héroïsme » produite par le drame sur le public, et qui signalent dans le même temps la présence d'une autre tonalité, volontiers qualifiée de lyrique, poétique ou galante. A ces remarques s'en ajoutent évidemment d'innombrables autres, qui situent les attitudes héroïques tout autant dans la salle que sur la scène, que ce soit pour moquer « les chevaliers Hernaniens [...] [dont la] victoire n'a pas été moins glorieuse que celle de Don Quichotte » ou pour louer le courage de Hugo, dont le « drame va [...] opérer la dissolution prochaine des anciens partis littéraires ».
Or parler d'héroïsme à propos d'Hernani relève, à y regarder de plus près, d'une évidence toute relative. Non seulement le terme de « héros » n'est prononcé qu'une seule fois dans la pièce, et pour désigner les ancêtres défunts de Ruy Gomez de Silva, mais en outre la Préface de Cromwell assimile nettement l'héroïsme aux temps épiques, dont le représentant principal est Homère, et que l'âge du drame doit dépasser en ajoutant au sublime l'étude du grotesque. C'est dire le paradoxe qu'il y a à parler, comme je m'y apprête, d'héroïsme dans la pièce chargée de représenter hautement ce nouvel art.
Et pourtant l'impression d'héroïsme a bel et bien été produite, et c'est sur elle qu'on se propose ici de revenir, afin de préciser autant que possible les