Introduction sur les sens
Eric HERMANN
Professeur de philosophie au lycée Dumont d’Urville de Maurepas
COMMENTAIRE
« La connaissance par les sens est l’occasion d’erreurs sur la distance, sur la grandeur, sur la forme des objets. Souvent notre jugement est explicite et nous le redressons d’après l’expérience ; notre entendement est alors bien éveillé. Les illusions diffèrent des erreurs en ce que le jugement y est implicite, au point que c’est l’apparence même des choses qui nous semble changée. Par exemple, si nous voyons quelque panorama peint, nous croyons saisir comme des objets la distance et la profondeur ; la toile se creuse devant nos regards.
Aussi voulons-nous toujours expliquer les illusions par quelque infirmité de nos sens, notre oeil étant fait ainsi ou notre oreille. C’est faire un grand pas dans la connaissance philosophique que d’apercevoir dans presque toutes, et de deviner dans les autres, une opération d’entendement et enfin un jugement qui prend pour nous forme d’objet. (…)
Certes quand je sens un corps lourd sur ma main, c’est bien son poids qui agit, et il semble que mes opinions n’y changent rien. Mais voici une illusion étonnante. Si vous faites soupeser par quelqu’un divers objets de même poids, mais de volumes très différents, une balle de plomb, un cube de bois, une grande boîte de carton, il trouvera toujours que les plus gros sont les plus légers. L’effet est plus sensible encore s’il s’agit de corps de même nature, par exemple de tubes de bronze plus ou moins gros, toujours de même poids.
L’illusion persiste si les corps sont tenus par un anneau et un crochet ; mais, dans ce cas-là, si les yeux sont bandés, l’illusion disparaît. Et je dis bien illusion, car ces différences de poids imaginaires sont senties sur les doigts aussi clairement que le chaud ou le froid. Il est pourtant évident, d’après les circonstances que j’ai rappelées, que cette erreur d’évaluation résulte d’un piège tendu à l’entendement ; car, d’ordinaire, les