Jacque prevert
Argument
La traductologie est une science complexe qui a derrière elle une longue histoire pré-scientifique, empirique. Pratique millénaire, la traduction littéraire a toujours suscité des préoccupations théoriques plus ou moins soutenues, engendrées par les difficultés de l’acte même de traduire et constituées en véritable doxa, qui peut être résumée par l’adage traduttore traditore. L’histoire de la traduction littéraire pourrait être décrite comme effort indéfiniment renouvelé par chaque traducteur particulier de contredire ce lieu commun. Dans un certain sens, la traductologie même est née de l’ambition de contrôler la fatalité de cette « trahison », en la diagnostiquant et en cherchant des modalités de la réduire au minimum. Les préoccupations scientifiques relatives à la traduction littéraire sont intimement liées à la réflexion sur le langage en général et sur le langage de l’œuvre littéraire en particulier. Aussi la traductologie est-elle une discipline de frontière, située au carrefour des sciences du langage et de la littérature, dont elle se sert en tant qu’instrument pour délimiter son propre domaine, pour définir son objet et ses méthodes. Quelle est la place de la stylistique dans ce contexte ? Discipline de frontière elle-même, la stylistique se met au service d’une théorie et d’une pratique de la traduction, leur fournissant une méthode indispensable d’investigation du texte littéraire. L’objet de la stylistique littéraire est le style, or celui-ci est consubstantiel à la littérature. Le style est une empreinte, un certificat de paternité du texte, comportant des marques formelles dont la découverte et l’interprétation conditionnent d’une manière décisive la traduction littéraire. La démarche stylistique intervient dans la théorie et la pratique de la traduction à deux moments bien définis : celui de la réflexion sur le texte source, étape nécessaire à l’identification de sa spécificité et d’une possible