Jouve l'essai dans le poème
Pierre Jean jouve – l'essai dans le poème
L'essai que Jouve consacre à l'un de ses peintres de prédilection s'intitule « Un tableau de Courbet ». Etonnant singulier, car Jouve parle de plusieurs tableaux ; mais le « tableau » référé par le titre est, dans les dernières pages de l'essai, un « Courbet véritable », le « Courbet réel, le tableau que Courbet avait voulu peindre et n'a point peint » ! Il est proprement la narration par Jouve d'une scène qu'il a vue à Paris. Une pareille « description de peinture » à la fin du texte est d'autant plus remarquable que Jouve aménage dans ses essais critiques sur les peintres des trajectoires ascendantes qui réservent l'acmé aux objets les plus admirés, qui sont aussi les plus significatifs : ainsi le texte sur Delacroix s'achève avec la description interprétative de Jacob et l'Ange du Seigneur et « Le quartier de Meryon » culmine sur un long commentaire de «Collège Henri IV ou Lycée Napoléon». On pourrait montrer en outre que la description du tableau « réel » reprend certains traits des Courbet commentés précédemment et se présente donc comme un pastiche laudatif, comme l'équivalent littéraire complètement assimilé d'un style pictural : c'est le période culminant, le type le plus élaboré de l'assimilation créatrice.
Il confirme avec l'éclat de l'étrangeté ce qui est une évidence : Jouve reste créateur, fictionnaire et poète jusque dans son œuvre d'essayiste. On sait à l'inverse combien sa poésie se nourrit des œuvres qu'il admire : c'est un point qu'une simple table des matières suffit à manifester. Je voudrais montrer plutôt que le rapport entre l'essai et l'œuvre « personnelle » de Jouve est encore plus intime : qu'une forme de critique s'immisce dans sa narration et dans sa poésie, que le poème et l'essai conjoints participent d'un même processus d'écriture, et que c'est précisément à l'expérience critique préalable que la poésie doit alors d'aller jusqu'à son centre.
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