Kant et les maths
KANT ET LA PENSÉE MATHÉMATIQUE MODERNE1
On sait que la question capitale de la Critique de la Raison pure est celle-ci : Comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? Que de tels jugements existent, cela ne paraît pas douteux à Kant : les propositions métaphysiques, d'une part, et les propositions mathématiques, d'autre part, sont pour lui des jugements synthétiques a priori. Mais il fait une grande différence entre ces deux espèces de propositions au point de vue de leur valeur. Dans la Méthodologie transcendantale, en effet, il distingue nettement la métaphysique de la mathématique : la métaphysique est la connaissance rationnelle par concepts, tandis que la mathématique est la connaissance rationnelle par construction de concepts : elle construit ses concepts, c'est-à-dire qu'elle les représente dans une intuition a priori ; or nous n'avons pas d'autre intuition que l'intuition sensible, et pas d'autre intuition a priori que celle de l'espace et du temps. L'espace et le temps sont «les grandeurs originaires uniques», et c'est pourquoi la mathématique ne peut s'appliquer qu'à la grandeur, et au nombre, schème de la grandeur. Les jugements synthétiques a priori de la mathématique sont donc possibles et légitimes, parce qu'ils reposent sur des synthèses effectuées dans l'intuition a priori. Au contraire, la métaphysique, étant une connaissance par concepts, ne peut, en spéculant sur des concepts abstraits, qu'en tirer ce qui y est logiquement contenu, et par suite ne peut formuler valablement que des jugements analytiques. Les jugements synthétiques a priori de la métaphysique sont donc possibles, mais illégitimes. Ainsi Kant sépare et oppose radicalement la métaphysique et la mathématique au point de vue de la méthode. Il va jusqu'à soutenir que seule la mathématique peut avoir des axiomes et des démonstrations. Elle seule a des axiomes, c'est-à-dire des principes synthétiques a priori, parce que