La force de l'utopie
C’est une révolution en trois ou quatre lettres : www, url, http, html… Il y a vingt ans, un ingénieur inventait les technologies qui allaient donner naissance à la Toile mondiale (world wide web). Un langage de programmation permettant d’intégrer des liens hypertextes dans un document (hypertext markup language) et donc de le relier à d’autres documents, un système permettant d’attribuer à chaque document une adresse universelle (universal resource locator), et un protocole de communication (hypertext transfer protocol) permettant leur transfert entre ordinateurs : l’Internet tel que nous le connaissons était né.
Mais ce que Tim Berners-Lee a offert au grand public, ce ne sont pas seulement des techniques, c’est aussi une véritable utopie fondée sur la gratuité et le partage des connaissances, dont ont été porteurs les pionniers du Net.
Une « nation-réseau »
En effet, l’aventure Internet a débuté bien avant l’émergence du world wide web. Apparu dès 1969, ce que l’on appelle alors l’Arpanet relie quelques ordinateurs situés sur des campus universitaires. Les premiers utilisateurs sont des informaticiens pour qui le réseau n’est rien d’autre qu’un outil de travail permettant la collaboration à distance entre pairs. Comme le note Patrice Flichy, l’une des particularités d’Internet est d’avoir été mis en œuvre par et pour le monde académique, sans passer par une quelconque forme de transfert. Ainsi, « les informaticiens mettent des ordinateurs en réseau, pour pouvoir échanger entre eux, et le contenu même de leur dialogue concerne la construction de ce réseau. Un tel cercle vertueux n’est possible que parce que l’on est en dehors du monde ordinaire, celui de la société marchande où production et consommation sont totalement distinctes.