La maitrise de l'eau
En fait, les quatre plus anciennes des grandes civilisations - Egypte, Chine, Mésopotamie et Harrapan - ont vu le jour sur le bord des fleuves et dans les plaines enrichies par leurs limons. Elles instaureront du reste souvent et pour longtemps des « sociétés hydrauliques(99) » - car la maîtrise de l'eau est une affaire collective - contrôlant par le pouvoir l'économie, la répartition des eaux et la liaison avec les dieux et le sacré. Cela est vrai de la civilisation mésopotamienne qui a fleuri - « entre les deux fleuves », expression arabe désignant l'Irak - dans la région qu'enveloppent le Tigre et l'Euphrate. Cette région a vu naître l'agriculture - qui a permis à l'homme de se libérer des lois de son milieu - mais elle a été aussi le berceau de l'irrigation et la patrie des fameux jardins suspendus de Babylone et a englobé, au final, le « Croissant fertile » de la Phénicie, de l'Assyrie et de Babylonie.
Il en est de même de la culture Harrapan (du nom d'une des plus anciennes villes de la terre, Harrapa dans le Pendjab, fondée il y a plus de 5000 ans) dont le berceau est l'Indus (le Pakistan actuel, « don de l'Indus(100) ») et qui atteignit son apogée vers la fin du IIIème millénaire avant notre ère. Comme l'égyptienne, la civilisation Harrapan voit le jour dans une plaine aride à travers laquelle court un fleuve majestueux. On a découvert, à ce jour, plus de mille villes harrapan. Installés dans un pays soumis tour à tour aux caprices du fleuve et à de terribles sécheresses, les habitants de ces cités avaient fait preuve d'une ingéniosité peu commune, détournant les courants et conservant le précieux liquide pour les phases les plus chaudes de l'année. La grande ville de Mohenjo Daro, dans le Sind, sur les bords du grand fleuve, possédait, outre un système de drainage des eaux, un bain public aux dimensions imposantes. Ses habitants vénéraient l'eau des puits - qui venait des entrailles de la terre - reflet du Ciel