La mondialisation
Montesquieu n'en doutait pas : « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes » (De l’esprit des lois, 1748). Dans ce sens, la construction européenne a été une formidable réussite : non seulement la création de la CEE en 1957 a totalement transformé les relations entre la France et l’Allemagne et écarté la guerre dans l’Europe des douze, mais l’Union européenne à vingt-sept semble avoir totalement rompu avec l’idée même de guerre interne.
Les néoconservateurs américains n’hésitent pas à ironiser sur « le paradis posthistorique de la paix perpétuelle (1) » prétendument atteint par l’Europe, eux qui estiment que les Etats-Unis doivent assurer l’ordre impérial dans « l’histoire et le monde réel » de la guerre de tous contre tous. Plusieurs tendances très différentes s’affrontent donc sur la question, et l’idée de la mondialisation comme facteur de paix est aujourd’hui au centre de polémiques acharnées.
Une violence mondiale en baisse
Le débat sur les effets du « doux commerce » de Montesquieu a rebondi récemment, avec la publication par l’ENS d’un court ouvrage percutant sur la question (2). Les auteurs affirment que si « le commerce entre deux pays fait baisser la probabilité d’un conflit violent entre ces deux pays (…), il serait faux d’en déduire que la mondialisation amène à la paix mondiale. C’est en fait l’inverse qui se produit ». Cet apparent paradoxe s’explique par la différence entre ouvertures bilatérale et multilatérale : plus un pays est ouvert à de nombreux autres pays (multilatéral), plus la place des échanges avec ses voisins directs diminue relativement, donc moins ce commerce bilatéral est-il à même de décourager les