La notion de nature a pris au Siècle des Lumières des significations nouvelles en particulier du fait de la révolution scientifique du XVIIe siècle et de l’étonnant développement des savoirs dans tous les domaines, non seulement en astronomie et en physique mais aussi en botanique, en zoologie, en minéralogie… La conquête de la planète par les puissances européennes a ouvert à l’exubérance de la nature ; les découvertes de nombreuses espèces nouvelles, voire étranges, commandent une classification scientifique de la nature de manière à en maîtriser les débordements. Les savants doivent décrire et classer pour dresser un tableau rationnel du monde. Ils se donnent pour objectif de dégager, sous le foisonnement des choses, les lois qui en assurent l’ordre intelligible. La nature c’est donc d’abord l’objet d’une intelligibilité à conquérir en mettant en œuvre aussi bien les cadres mathématiques que la méthode expérimentale que le siècle précédent avait inaugurés avec Descartes, Galilée puis Newton.
Cependant, dans un siècle de bouillonnement intellectuel et politique où les cadres traditionnels du pouvoir religieux comme du pouvoir politique craquent de toute part, l’idée de nature est en même temps l’outil de la critique et le fondement d’un ordre nouveau qui se cherche et dont nous héritons. Alors que le pouvoir de droit divin est mis à mal par une critique de plus en plus ouverte, on va tenter de fonder les normes de la vie morale comme de la vie sociale sur une nature supposée bonne. Les règles ne descendront plus du ciel mais devront émaner de la nature dans lequel l’individu se trouve plongé. D’où les tentatives de substitution d’un droit naturel à un droit divin, d’une théologie naturelle à la théologie dogmatique du christianisme, des droits de l’homme aux droits du dogme. Le mythe du bon sauvage, la comparaison constante des mœurs européennes aux mœurs des peuples que l’Europe découvre, opposent constamment, dans les textes du XVIIIe siècle, les « mœurs