CRITIQUES DE LIVRES
LA NEIGE EN DEUIL
Henry TROYAT.
(Flammarion, éditeur)
(Revue " La Montagne " - No 361, 1953)
En deux mots, voici l'argument de ce roman : un avion percute une montagne imaginaire (le Mont Blanc). Un guide (René Payot) se tue à la tête d'une caravane de secours. Clandestinement, deux paysans parviennent jusqu'à l'épave. Venus pour piller, ils découvrent une survivante...
On le voit, Henri Troyat s'inspire d'épisodes authentiques.
Le scénario est admirablement construit. Les faits s'enchainent avec rigueur; ils naissent de hasards plausibles ou sont suscités par des personnages crédibles aux mobiles convaincants. On croit à l'anecdote, on la suit avec passion, on croit aux personnages, ils sont vivants devant nous. J'admire l'extraordinaire métier de romancier de Troyat qui a su éviter tous les pièges, qui a serré son sujet sans défaillance et nous donne une rare occasion d'être pleinement satisfaits.
Je parle de métier; quant au talent, celui de Troyat est notoire et indiscutable. Pour une fois, un véritable écrivain situe un de ses romans en montagne. Et la montagne n'est pas seulement un décor, sa présence infléchit le destin des hommes et le cours de l'action.
Troyat, pour traduire les petites joies intimes, les angoisses, tout l'univers psychologique complexe et informulable de l'alpiniste, trouve un accent, des mots si justes, si rares, si épais, si pénétrants, qu'ils impliquent une authentique expérience. J'ai eu l'occasion d'en parler récemment, je lui ai demandé quelles étaient les courses qu'il avait réussies. Il me répondit qu'il n'avait jamais abordé la haute montagne. Mystère du poète.
Pour terminer, deux légères critiques. Le livre débute par une évocation de la vie primitive d'un paysan de montagne : quelques pages ingrates. Enfin, le personnage central qui est un ancien guide et, de plus, quinquagénaire, plante des pitons à tour de bras au cours d'une dramatique ascension.
Livanos à l'époque de Ravanel le Rouge.
Combien