La nouvelle
La nouvelle est un texte bref.
La brièveté est affaire de nerfs, et de muscles exacts. Rien à voir avec ces exercices de musculation auxquels condamnent les 500 pages d’un ’best-seller " pour l’été, où la rédaction est à l’écriture ce que le culturisme est à la culture.
La nouvelle est un genre plus sportif : elle a le visage affûté de l’homme en forme, comme on dit dans "l’Equipe". Ecrire d’abord. Puis supprimer. Condenser. Réécrire. Gommer. Corriger l’excès. S’arrêter quand il n’y a plus rien à ôter.
Par crainte d’être bavard, gratter la phrase jusqu’à l’os. Dire le moins pour suggérer le plus.
La nouvelle comme littérature diététique.
Pour certains, la nouvelle s’apparente à la gymnastique au sol : tous les mouvements, enclos dans un temps limité, trouvent leur sens et leur aboutissement dans la perfection de la sortie. La beauté de la chute y mesure la valeur de l’ensemble du travail.
Parfois la chute est pirouette.
Parfois elle a plus de gravité : quelque chose s’y brise.
Je préfère pour ma part une autre métaphore : modestie des moyens, économie des gestes, vigueur du trait, justesse du tracé - la vivacité de la nouvelle est celle du croquis. Une touche de couleur, une indication de ligne, la trajectoire d’un mouvement qui se dessine, l’énoncé d’une attitude prise d’un trait, le caractère enlevé d’une esquisse, et tout est dit. Le geste effaré est retenu, l’émotion est saisie : il y a saisissement dans l’art de la nouvelle.
Lorsque c’est réussi, le texte a la clarté d’une gravure sur cuivre : la franchise, la précision et l’audace d’un premier jet, sans qu’y apparaisse le moindre repentir. Le trait mord.
Alors la pointe sèche évite la sècheresse. Un rêve passe, l’émotion s’y fait entendre, en sourdine. Point d’autre secret que la morsure du trait.
L’idéal : que le texte de la nouvelle se mette à travailler le lecteur, insidieusement. C’est-à-dire que le texte travaille, et reste en bouche longtemps après la lecture. Que,