La parole et la pensée
John Locke assure, dans son Essai concernant l’entendement humain, III, ch. II, que la vie en
Société contraint l’homme, qui veut en « jouir des avantages et des commodités », à inventer des « signes extérieurs et sensibles. ». Le rôle de ces signes extérieurs, à savoir la parole, est de « manifest (er) aux autres » les idées qui composent ses pensées. La vie en société exige la communication de sa pensée. Mais, c’est cette même société, imposant le besoin de s’affirmer et d’être reconnu, qui force l’homme à passer outre la seule obligation de traduire fidèlement ses pensées, par le biais de la parole. La quête d’un positionnement solide dans l’échiquier social contraint le sujet à instrumentaliser la parole. Si la parole se révèle un simple médiateur, neutre et sûr, des pensées, dans le cadre d’une relation désintéressée, il n’en demeure pas moins qu’elle se manifeste souvent comme un moyen redoutable, non du commerce d’idées, mais du succès social. L’on peut dès lors concéder volontiers à Locke le fait que la parole est un truchement de la pensée, mais n’est-il pas tout à fait légitime de dire que cette même parole trahit la pensée et va au-delà de la simple communication ? Le Phèdre de Platon, Les Fausses
Confidences de Marivaux et les Romances sans paroles de Verlaine nous permettront d’abord d’approcher la parole, en tant que médiateur de la pensée ; avant de la considérer comme un moyen qui contourne la pensée ; ce qui oblige cette dernière à faire de la parole l’objet de sa propre réflexion.
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Dissertations sur la Parole
La parole traduit les pensées de l’homme, en adoptant les formes connues des conventions de l’échange, à savoir l’expression des sentiments, le dialogue et l’implicite.
Transmettre ses sentiments et ses passions est l’une des