La prospérité du vice
Aristote, dans Ethique à Nicomaque, définissait le vice par son contraire : « La vertu est, en ce qui concerne les plaisirs et les peines, la faculté d’exécuter de belles actions, le vice étant la disposition contraire ». Ainsi, chez les Grecs, le vice n’est jamais susceptible d’excellence puisque se caractérise à l’inverse de la vertu par le changement et l’inconstance, et par la même par la corruption. Il n’est pas seulement l’absence de vertu, il est avant tout cette activité nommée « l’akrasia » c’est à dire le « mal agir », voir le « mal agir volontairement » tel que le définit Aristote sous le terme d’« akolasia ». Un point essentiel nous apparait dans cette première approche : le vice comme activité n’est pas un automatisme, mais bien plutôt la recherche d’une autre fin que le Bien, qui semble tout aussi bien pouvoir nous satisfaire, au constat de la prospérité du vice.
La prospérité du vice, autrement dit ici l’abondance du vice lui-même, peut nous sembler incompréhensible si précisément nous n’en tirons aucune satisfaction, aucune prospérité. L’expression « prospérité du vice » apparait dès lors comme un double constat : la prospérité du vice observable dans notre vie de tous les jours nous amènent à penser que le vice est source et recherche d’une certaine forme de prospérité que lui seul semble pouvoir nous garantir malgré son statut immoral qui nous choque tant. Comment sinon expliquer cette abondance, cette prolifération du vice sous ses formes multiples ? La prospérité du vice peut en conséquent apparaitre comme la légitimation du vice lui-même : la prospérité que l’on tire du vice ne justifie-t-elle pas en effet la prospérité du vice lui-même ? La réponse à une telle question doit nécessairement passer par plusieurs