la reine des lectrices
Ecrivain(s): Alan Bennett Edition: Folio (Gallimard) De l’absolue séparation des pouvoirs et de la littérature.
Alan Bennett présuppose en toute ingénuité que la Reine d’Angleterre a peu lu avant que son destin ne croise celui de Norman, commis des cuisines régaliennes. On peut imaginer que son éducation britannique lui fournit toutefois un certain background. Vraisemblablement, l’octogénaire a eu d’autres chats à fouetter avant de s’adonner aux frivolités des lectures suggérées par un « gay savoir ».
Fraîchement convertie, la peu commune lectrice devient ce qu’elle est : une liseuse hors normes mais attentive à Norman, son initiateur à Wilde et à Genet. De profundis à Querelle, la conséquence est bonne. Mais les conseillers de la Cour veillent au grain. Et la souveraine graine doit être préservée de cette contamination culturelle. Voilà donc Norman, zélé malgré lui, limogé et promu au statut d’étudiant en lettres dans une Université éloignée de Windsor. Il pourra assouvir ses pulsions de lettres et ne pervertira pas la Reine dans l’exercice de ses fonctions.
Abreuvée d’ouvrages, la Reine des lectrices ne peut freiner sa course à l’échalote littéraire. Elle prend des notes et se pique d’écriture. On n’ose l’exprimer dans l’entourage de la Souveraine : la Reine devient une emmerdeuse de politiser en rond.
Deuxième ironie du destin : lors d’un dîner au sein d’une université lointaine, elle se fait servir par Norman. Élémentaire Mrs Thatcher. L’impromptu de Windsor deviendra mentor en écriture ? En tout bien tout honneur, l’homo sapiens sapiens jubile et la Reine se pâme avec du Proust.
Bref, drôle et rondement mené, cet envoi britannique roboratif aura de quoi réconcilier les plus récalcitrants avec les livres. La fable hyperréaliste décapera les renvois ironiques de la culture au pied de la lettre. Une morale de l’histoire pourrait bien être : ne laissez pas le pouvoir se cultiver, c’est trop