La vénalité des offices
Fruit de la convergence entre le besoin d’argent chronique de la monarchie et sa répugnance à convoquer les États Généraux pour lever de nouveaux impôts, la croissance de la civilisation de l’office est sensible au XVIIe siècle. Opérateurs d’une délégation de la puissance publique qui en fait des rouages essentiels de l’état moderne, mais aussi, selon une belle formule de Jean Nagle, "actionnaires de la gloire du roi" par le biais du mécanisme de la vénalité, les officiers se multiplient. Leur effectif double de 1573 à 1665. Une identité autonome émerge de leur force numérique et de leur cohésion collective. La construction symbolique d’un quatrième ordre informel s’opère alors selon un mécanisme de double distinction par rapport à la noblesse et au peuple. l’essence de l’identité officière dans une duel dialectique entre l’honneur et la dignité. Le premier, vertu d’essence chevaleresque et attribut de la culture nobiliaire réfugiée dans les emplois curiaux et militaires, subirait une décadence progressive, supplanté par la dignité, posture associée au besoin de représentation de l’office et à l’idéologie du service public. Revisitée comme un passage de la pulsion affective à la conscience rationnelle, cette relève fait de l’office un outil décisif de la construction de l’individu moderne. Pivot de cette conversion, la dignité, vertu bureaucratique nécessaire à l’incarnation d’une parcelle de pouvoir régalien, a l’inamovibilité pour substrat. Conjuguant gravité et honorabilité, elle associe l’essor de la conscience de soi (et donc de l’autonomie de la personne) à un combat pour l’estime sociale. Dans le fil de ce raisonnement, Nagle postule la vénalité comme le socle de l’édification de l’état de droit, la dignité souveraine de l’office étant à ses yeux l’étape préalable à l’élaboration de la dignité personnelle, dont la diffusion à tout le corps social constitue la porte d’entrée dans la représentation politique démocratique.
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