Le bonheur est-il raisonnable ?
Au-delà de ce qui concerne les intérêts et, conséquemment, de ce qui fait les motifs de l’action quotidienne, l’individu imagine, rêve, construit des idées de nature problématique, au rang desquelles le bonheur figure en bonne place. Dans le Gorgias de Platon, Calliclès s’oppose à Socrate en définissant le bonheur comme dépendant du hasard de la naissance et de ses capacités à assouvir ses désirs. Cette définition, tournée vers l’aspect matériel d’un simple assouvissement se jouant de la justice et de la vérité, est réductrice. Le bonheur doit être défini par une harmonie entre une complétude de l’esprit et une pratique sage et juste de l’action, embrassant ainsi la vie spirituelle et matérielle de l’individu. On voit alors comment la notion de bonheur doit être relativisée et adroitement équilibrée entre ces deux aspects. Le bonheur peut-il être raisonné ? C’est-à-dire peut-on envisager rationnellement l’accession au bonheur, alors que celui-ci concerne directement les désirs, les passions, choses que l’on définit rarement comme « raisonnable », « mesurable », et qui définissent des rapports complexes entre la vie spirituelle et matérielle ? I- Un bonheur « raisonnable » est-il une illusion ?
- Les adversaires de Socrate, dans les dialogues platoniciens, sont des sophistes, des rhéteurs, des savants, etc. Ce ne sont que très rarement des ignorants, et leur argumentation expose des conceptions qu’il faut prendre la peine de considérer. Par exemple, dans le Gorgias, le bonheur de Calliclès est un égoïsme pragmatique qui a ses avantages. Le bonheur est avant tout affaire de satisfaction et de plaisir, et il est raisonnable, c’est-à-dire logique, de vouloir assouvir ses désirs.
- Socrate, en s’opposant à Calliclès, ne fait pas que condamner le matérialisme et le hasard comme condition du bonheur, il remarque la fragilité et l’instabilité d’une telle conception pour en proposer une plus haute, plus pure, plus parfaite. Le bonheur de Calliclès,