Le clonage comme désir d’immortalité
Bernard Baertschi
1. INTRODUCTION: L’OMBRE JAUNE ET LE DÉSIR D’IMMORTALITÉ
Parmi les premiers livres que, enfants, mes camarades et moi lisions, les aventures de Bob Morane étaient sans doute ceux qui nous ont le plus passionnés. Un des ennemis récurrents du héros, sans doute le plus acharné était Monsieur Ming, alias l’Ombre jaune. Ce personnage malfaisant avait même trouvé le moyen de se rendre indestructible, puisqu’il avait mis au point une machine qui, après chacune de ses morts violentes, le recréait quelque part dans les montagnes d’Asie. Il avait inventé une machine pour se rédupliquer, bref, pour se cloner. L’Ombre jaune était donc devenue immortelle grâce au clonage; cela, d’ailleurs, lui a causé quelques problèmes, lorsque, à l’un de ses décès, deux clones ont été fabriqués. Peu importe, penserez-vous, puisque c’est de la science-fiction et que, dans notre monde réel, personne de sensé ne va développer de tels fantasmes d’immortalité, car il est absurde de croire qu’un clone – au sens où maintenant nous employons ce terme – est la même personne que l’être dont il provient; comme le note Karen Dawson: «De la même manière que des vrais jumeaux diffèrent physiquement ainsi que dans leurs pensées et attitudes, ainsi diffèreront des clones»[1]. Des clones ne peuvent pas être plus identiques que des vrais jumeaux ne le sont, si bien que, même sans aller plus loin, on peut rejeter comme non pertinents tous les arguments qui allèguent l’unicité et l’identité des êtres humains pour rejeter le clonage. Cela n’a, tout simplement, rien à voir, même si c’est très présent dans les médias[2]. Personne de sensé ne va développer de tels fantasmes d’immortalité; certes, mais ne sera-ce pas un peu à regret? Et à défaut de nous assurer l’immortalité personnelle, le clonage ne pourrait-il pas néanmoins nous mettre en chemin vers elle, nous en donner comme un succédané? C’est bien ce qu’on nous promet, pour demain